Les inégalités entre les mainteneurs et les maintenus, innovateurs et rentiers, sont souvent justifiées par le fait que les uns ne créent pad de valeur alors que les autres si, et cela justifierait donc l'accumulation de la richesse. Comme nous allons le voir, il est urgent de déconstruire ce mythe à tous les niveaux. Economique, Historique, sociétal.
L’idée de la valeur en économie : un débat pluri-centenaires
La valeur vient de la production
Cela a été un grand débat parmi les économistes, Des physiocrates à Karl Marx, la notion de valeur a beaucoup évolué, suivant du reste largement l’évolution de l’économie elle-même. Quesnay ne voyait la valeur que dans l’agriculture, Smith y a ajouté l’industrie et Marx a systématisé la notion de la valeur à la production de plus-value permettant la circulation du capital. Mais tous ces auteurs « classiques » avaient en commun l’idée que la valeur était issue de la production, du « faire ». Ils traçaient tous, explique l’auteur, au-delà même de leurs visions différentes, une « frontière » entre la création de valeur productive et la « rente » improductive, entre le « faire » et le « prendre ». La source de la valeur était dans le travail.
La valeur vient du marché et du besoin
Mais la pensée néoclassique va venir balayer cette vision. Avec notamment Léon Walras et Alfred Marshall, la valeur est désormais déterminée non plus par le mode de production, mais par l’« utilité marginale » du produit, autrement dit par l’intérêt – subjectif – de son utilisateur. Plus un produit jugé utile est rare, plus il aura de la valeur. À chaque unité fournie, son utilité marginale (celle qui naît de cet ajout) décroît et sa valeur décroît. Dès lors, son prix décroît également et le prix n’est rien d’autre que le reflet exact de la valeur du produit. C’est alors le marché, où se placent face à face les désirs des acteurs, qui détermine la valeur. Si ce marché est parfaitement libre, on parvient à un équilibre, le fameux « optimum de Pareto » où chacun, producteur et consommateur, capital et travail, est récompensé à son juste prix.
Dès lors, souligne Mariana Mazzucato, « ce que vous valez est ce que vous obtenez ». La frontière n’est plus entre la production et la rente, mais entre ce qui est déterminé par un prix du marché et ce qui ne l’est pas. « On ne peut désormais plus dire avec certitude qui crée de la valeur et qui extrait de la valeur et donc comment les revenus de la production peuvent être distribués », conclut l’économiste. Le mode de production n’importe donc plus, ce qui compte c’est ce que dit le marché, oracle infaillible. « Les revenus reflètent par définition la productivité (…), il n’y a plus de place pour la rente, au sens où des gens peuvent obtenir quelque chose à partir de rien », explique-t-elle. Les notions de « faire » et de « prendre » ne sont plus pertinentes, elles se confondent. Seul compte désormais le prix.
Les entrepreneurs et innovateurs en tout genre ne créent pas de valeur, mais découvrent et transforment de la valeur
Les entrepreneurs ne créent pas de richesse, ni de valeur. Les entrepreneurs découvrent des gisements de valeur sous exploités ou inexploités, mais il n’y a jamais d’acte de creation.
Pourquoi ce débat sémantique? Nous allons le voir, mais c’est justement à cause de ce débat sémantique que l’exploitation se justifie et que la captation de l’argent se fait au detriment des travailleurs et de la société.
La richesse est déjà là. Mais tout le monde ne la voit pas.
En effet, les 49ers, les chercheurs d’or de la baie de San Francisco du 19ème siècle créeaient t’il de la richesse ou de la valeur avec leur pioches?. Quand ils revenaient de la mine dans leur petite ville du far west, il ajoutaient la valeur de leur métal jaune à l’économie locale, et ils la vendent au prix du marché. Cela va permettre à des orfèvres de faire des bijoux avec cet or, ce qui n’était pas possible sans leurs découverte et de créer de nouveaux produits. Question : Cet explorateur a t-il créé de la richesse?
Du point de vue très local, oui. Il a ramené quelque chose de l’extérieur, qui n’existait pas localement et qui a permis de générer de la valeur et donc du PIB.
On aurait pu croire alors dans cet écosysgème local et fermé qu’il y avait donc création de valeur, création de richesse. Après tout ils amenaient de la valeur qui n’existait pas dans le système! Mais c’est parce que l’on regarde les choses d’une manière très locale. A l’échelle du monde, cet or existait déjà, Il n’a été que révélé au monde et en particulier dans cette petite ville du far west.
L’entreprenariat, c’est de la recherche.
Prenons un autre exemple : Les scientifiques créent ils de la connaissance? A notre petite echelle, on pourrait croire que oui, que dans notre petit écosystème, un homme qui viendrait avec du savoir nouveau créerait de la connaissance. Il n’en est rien non plus. Les lois de la Nature sont déjà là, elles sont juste pas encore expliquées, elles ne sont pas encore révélées au monde. Newton a t’Il crée la loi de la gravitation? Eistein a t’il créé la relativité générale? Non ils n’ont fait que la réveler au monde, et ont proposé leur modèle scientifique pour l’expliquer.
C’est pour cela qu’on parle de découverte scientifique
Mais les scientifiques réclament ils tous les bénéfices liés à leurs découvertes? Einstein a t’il demandé des royalties sur toutes les industries qui allaient être issues de ces découvertes sur l’effet photo-éléctrique, la relativité générale et sa célèbre formule de mécanique quantique E=mc2? Dans ce cas il pourrait revendiquer des droits d’auteur sur toutes les industries de micro-électronique, informatique, spatiales, nucléaires, Non car elle appartient à la Nature et à l’universel. Pour les industriels on a créé il y a quelques centaines d’années de le droit des brevets qui donne un monopole pour une durée limitée (aujourd’hui à 20 ans) pour l’industriel qui veut l’exploiter, mais il y a une limite sur l’exploitation de la découverte. D’où l’idée d’un revenu maximum quelque soit la découverte, scientifique, économique ou commerciale, mais nous y reviendront dans un autre article.
La mission sociétale de l’entrepreneur est d’être un chercheur économique
Le rôle de l’entrepreneur est d’analyser le monde économique que l’on appelle communément le Marché, comme un scientifique, déterminer des hypothèses pour répondre à des besoins conscients ou inconscients, solvables, les tester et développer les produits en accord avec cette demande. Il y a une part d’analyse et une part d’intuition pour penser au delà des faits, et se projeter pour faire un produit que les gens veulent consommer meilleur que leur existant. Comme l’a dit Henry Ford en son temps, fondateur de la société automobile du même nom
“Si j’avais demandé aux gens ce qu’ils voulaient, ils m’auraient demandé des chevaux plus rapides” H.Ford.
Avec ses employés, l’entrepreneur va transformer des ressources naturelles, ou bien re-combiner des savoirs et de l’intelligence existants pour en produire d’autres, transformés égalements.
Un autre exemple, dans les années 1980 avec les études de marché sur le potentiel du téléphone mobile. Les études du grand cabinet McKinsey basées sur les témoignages des potentiels clients de l’époque (1985) montraient que l’on pouvait espérer au maximum 500,000 unités vendues en l’an 2000, ce qui ne représentait pas une opportunité suffisante. Car quand on demandait aux gens s’ils voyaient l’intérêt d’avoir un téléphone portable, ils répondaient “ “Mais pourquoi? Pas besoin! Il y a des cabines téléphoniques partout!” En l’an 2000, presque 2 Milliards de téléphones mobiles avaient été vendus. Il fallait voir au delà de ce que les gens disaient, que leur besoin de communication allait être démultiplié avec un tel outil et c’est le rôle des entrepreneurs d’aller au delà des impressions pour accomplir leur vision dans le marché. En d’autres mots, Il faut des entrepreneurs, pas des consultants.
En ce sens Les entrepreneurs sont de la même espèce que les chercheur d’or, ou les chercheurs scientifiques. Un entrepreneur va identifier par ses recherches commerciales des gisements de valeur inexploités, et proposer au monde un offre nouvelle qui va la révéler au marché. Son role est d’identifier une demande de clients solvable, et techniquement addressable et d’y répondre avec un modèle d’affaires qui correspond à l’attente du marché.
Monter un atelier de menuiserie, ouvrir un restaurant dans un endroit où il y a de la demande, faire une startup qui permet d’avoir un chauffeur privé, vous prenez l’exemple que vous voulez, il n’y a globalement jamais de création de valeur à l’´echelle globale.
“Quand le menuisier façonne une chaise, il ne créée pas de valeur, car la chaise qu’il conçoit dans sa tête est dejà là, elle existe déjà dans le tronc d’arbre que le bucheron découpe, elle n’attend qu’à être mise en forme”
D’un point de vue très local dans l’espace et dans le temps, oui, une chaise est plus utile qu’un tronc d’arbre quand on veut s’asseoir. Alors en tant que client, on perçoit plus de valeur a la fin du travail de menuisier qu’au début. Mais intrinsèquement, il n’y a eu que transformation de la matière par le travail. Alors Karl Marx vous dirait que la valeur a été créé par le travail, Warras vous dirait que la valeur est dans l’utilité que j’ai de la chaise à ce moment. C’est une vision très locale des choses.
Pareil, quand un entrepreneur ouvre un restaurant dans une zone commerciale, et si le restaurant marche, c’est qu’il répond à une demande existante, solvable, qui était latente et qui n’attendait qu’à être révélée au monde. C’est la vision de l’entrepeneur, son travail, sa persévérance qui vont lui permettre de trouver et de découvrir cette opportunité´là où d’autres auraient abandonné ou n’auraient pas pu y arriver.
Pour le fondateur d’Uber par exemple, il en est de même, il n’a pas créé ou détruit de valeur. Il a juste révélé au monde qu’il existait une forte demande de transport à la demande, mais qu’elle n’était juste pas adressée efficacement par l’offre des taxis. Ce besoin était latent, mais il n’était pas solvable et quand il a réussi à faire une plateforme digitale de rencontre de chauffeurs privés et de clients, remplissant les heures creuses des chauffeurs privés et leur assurant du revenu, les prix sont devenus abordables, donc la clientèle est devenue solvable et le marché du transport s’est agrandi par cette nouvelle offre. Encore une fois, rien n’a été créé. Travis Kalanick a juste transformé une demande latente en marché solvable, en transformant également l’offre, en la façonnant comme un artisan avec des nouvelles technologies (mobile, GPS, SMS, payment instantané, etc)
Et l’on peut continuer encore longtemps, en allant dans les métiers intellectuels ou les artistes, comme le dit le livre “Everything is a remix” de Lawrence Lessig, nous ne faisons que mélanger des sources d’inspiration, des matières que nous transformons et l’innovation et ce qui semble un acte de création n’est qu’en fait que le constat de notre ignorance des conditions de la transformation.
L’idée de création de valeur justifie l’inégalité des richesses
La création de richesses justifie l’appropriation par son créateur
La Création. L’acte de création. La création de richesse. Le vocable utilisé par les économistes tient en lui sa propre subjectivité et admiration au pouvoir messianique de l‘argent. En effet le mot création nous ramène à un vocabulaire mystique, celui des religions, où le monde à été fait par un Créateur. Alors vu qu’il nous à créé, il peut nous détruire et nous lui devons selon les cultes adoration quotidienne, prières et autres déprises et reprises de soi confiantes et dans la paix. Dans ce parallèle avec notre monde économique, il faudrait alors que le créateur de richesses possède cette richesse en sujet, et par la sainte propriété privée, possède le droit divin d’en user, d’en profiter et d’en abuser par les 3 règles romaines de l’usus, fructus, abusus. Ce serait donc parce que les entrepreneurs et les investisseur créent des richesses qu’il ont le droit de s’en accaparer la plus grande part. Voici la justification de l’inégalité des richesses.
En effet par exemple en France, la répartition des richesses depuis 30 ans est passée de 10 points du travail au capitial, près de 200 milliards d’euros qui sont allés récompensés les investisseurs et les rentiers plutot que les travailleurs, et cela au niveau mondial également comme le montre ce rapport de l’OCDE.
“Everything is a remix”
Ce vocabulaire créé dans notre imaginaire collectif une douce musique qui justifie que le créateur possède ses créations, aussi bien pour les entrepreneurs, les investisseurs et les artistes. Ils oublient que tout n’est qu’un remix, comme le titre du livre du même nom, et que ce qui semble innovation et création n’est que le fruit d’un mélange entre plusieurs idées, concepts, matériaux, basés sur des travaux précédents, comme les chercheurs scientifiques ne font que continuer le travail de ceux qui les ont précédés. Einstein l’a reconnu lui même qu’il n’a fait que la synthèse des travaux des scientifiques qui l’ont précédé et qui l’ont aidé, surtout sur la partie mathématique.
Comme le dit le philosophe platonicien Bernard de Chartres du 12ème siècle : “Nous sommes comme des nains assis sur des épaules de géants. Si nous voyons plus de choses et plus lointaines qu’eux, ce n’est pas à cause de la perspicacité de notre vue, ni de notre grandeur, c’est parce que nous sommes élevés par eux”
Toute personne considérée comme créatrice, visionnaire, innovante n’est qu’un nain assis sur les épaules de ceux qui les ont précédé, et doit nous rendre humble devant notre condition.
Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme
En effet pour le physicien de formation que je suis il est très difficile d’accepter toute idée de création, même économique.
En effet comme le démontre le physicien Lavoisier dans son traité élémentaire de Chimie :
Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme
Dans la Nature, ce qui peut apparaître parfois pour des créations ne sont que des transformations, des échanges d’énergie qui font changer d’état les éléments. Ce qui a amené les théories physiques à démontrer que dans l’énergie est constante et se conserve dans l’univers.. Par exemple, si l’on prend la Terre comme système, les rayons du soleil amènent de l’énergie à la surface de la planète, et on pourrait croire qu’il y a apport d’énergie et création d’énergie, car on peut la récupérer par des panneaux solaires et ainsi alimenter indéfiniment nos besoins. Mais si l’on regarde de plus haut à l’échelle de la galaxxie, l’apport d’énergie sur terre est en fait perdu par le Soleil, il y a donc conservation de l’énergie. Ce qui est gagné d’un côté est perdu de l’autre.
Et bien en économie c’est pareil. Si l’on regarde d’assez haut notre système, la valeur est constante et se conserve. Ce n’est qu’à notre échelle humaine dans notre système fermé que l’on y apercoit une valeur ajoutée quand elle vient de l’extérieur à notre système économique, comme la Nature. Est ce que Total crée de la richesse? À notre échelle économique oui car elle fait du profit, mais à une échelle plus élevée, Total ne fait qu’extraire du pétrole et le transformer. Et elle ne paye pas ce pétrole que la Nature mets à disposition gratuitement.
Ce qu’on appelle donc la création de richesse n’est que la transformation successive des ressources naturelles en production primaire, puis secondaire puis tertiaire. On extrait du pétrole de la Nature, on le raffine, on en fait du plastique, puis on en fait par exemple un jouet comme une poupée etc… il ne s’agit que de transformation successives, qui à notre petit système anthropocentré apparaît comme la de création de richesse, que l’on appelle aussi la “chaîne de valeur” mais il n’en est rien. La poupée est déjà là dans le pétrole du sol, et le travail humain ne fait que la réaliser dans notre monde économique.
Remettre la mission de l’innovateur à sa juste valeur
Il n’y a donc pas de création de valeur ni de richesse d’un point de vue du système économique global qui prend en compte le système dans son ensemble. Mais les entrepreneurs sont nécessaires à l’économie et leur mission sociale est primordiale. Ce sont des chercheurs économiques, des explorateurs du marché, des concepteurs d’offres originales qui solubilisent des besoins latents inexploités et non assouvis. Ils ont la mission difficile de mettre en relation les technologies de notre temps et leur application naturelle et de rationaliser les dépenses des consommateurs dans des produits et services toujours mieux conçus et efficaces, à prix toujours moins chers sur le long terme. En d’autres mots, l’entrepreneur optimise cherche sans cesse à optimiser le monde économique, car c’est de son optimisation qu’il en extrait ses revenus.Il est dans ce sens aussi important que le chercheur scientifique ou l’artiste dans sa mission de découvrir révéler la perfection du monde.
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